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RÊVEUSE

Llane' Mayo'  (1969)

Llane' Mayo est née en 1969 entre Gascogne et Pays Basque ; sa famille est le symbole même de la diaspora, disséminée en Argentine, en Espagne, en Italie, à La Réunion et en Australie.

Son univers créatif est riche de toutes ces cultures, d'images et de partages, de morceaux de vie et d'instants magiques saisis au hasard de rencontres et d'aventures.

Elle commence à façonner le bois très jeune, aimant sa sensualité, le toucher, le modeler... C'est pour rendre hommage à son père, lui aussi artiste, qui lui a tout appris en la matière, qu'elle travaille et façonne le métal, indomptable et froid en apparence, qui livre ses secrets et se donne dès qu'on prend soin de le chauffer, de le rougir, de le tordre… expérience initiatique de la sculpture, de l'artiste et de son modèle en noces impétueuses…

 

Sa création "Harrizko Etxea"(la maison de pierre) se veut riche de sens (au pluriel) : une ode à la mémoire des basques dispersés à travers le monde (MUNDUAN ZEHAR !!!), qui ont quitté leur maison pour se construire une vie meilleure dont leur future demeure sera le reflet.

Exposition "Regards d'artistes

sur la diaspora basque"

du 26 février au 10 avril 2016
au Musée Basque
37 quai des Corsaires
64100 BAYONNE
 
octobre à mars : de 10h30 à 18h00
sauf les lundis et jours fériés
avril à septembre : de 10h à 18h30
sauf les lundis et jours fériés.

Raconter la diaspora basque autrement.

 

L’émigration et le voyage des Basques à travers le monde constituent un phénomène ancien qui relève tantôt de la nécessité matérielle et de déambulationsdélibérées, celles des pêcheurs à la baleine ou des oisifs globe-trotters d’aujourd’hui, tantôt d’un exil subi dû au climat politique, telles que les guerres carlistes et napoléoniennes, les crises de l’emploi ou la dictature franquiste. La survivance de l’identité basque a donné lieu à une communauté plurielle, la diaspora basque, dont l’éloignement, la persistance identitaire et l’attachement viscéral expliquent que ceux restés au pays reconnaissent ces migrants partiellement « autres » comme les leurs. De fait, le Pays basque, avec ses sept provinces, les considère symboliquement comme une part de lui-même en les nommant « la huitième province ».

 

La diaspora basque est un topos bien connu de la recherche en anthropologie, histoire, linguistique et littérature. On ne peut guère en dire autant de son rapport avec les arts. Nous engouffrant dans cette brèche passionnante, nous avons imaginé l’exposition « Regards d’artistes sur la diaspora basque », en vue de faire connaître autrement cet important pan d’histoire et d’actualité. Cette exposition est née d’un concours d’art actuel qui invitait à réfléchir sur ce thème, créant dès lors une sorte de réciprocité au sein du projet « Les arts et la diaspora basque », où les chercheurs analysent l’art et où les artistes livrent leur vision de l’histoire.

Il s’agit ici de conjuguer la réflexion historique au présent, plus seulement en tant que froid sujet d’étude mais comme mémoire vive célébrant l’humain, le vécu, le sentiment profond. Les œuvres présentées composent un tableau assez complet de la diversité des expériences et des émotions suscitées par ces exodes intemporels.

 

Dans un premier temps, trois artistes invités, Zoe Bray, Benoit Pingeot et Michel Hacala, proposent une galerie de portraits dessinant le visage de la diaspora basque, mêlant les artistes exilés politiques, Nestor Basterretxea et Jorge Oteiza, aux anonymes qui font l’histoire, des pêcheurs de baleine et de thon jusqu’aux dernières générations d’émigrés, à l’instar de Marie-Louise Lekumberry, fille d’un berger basque du Nevada. L’exposition se structure ensuite autour de thèmes emblématiques de ces mouvements migratoires : le déplacement en lui-même – Sur la route-, la découverte et le sentiment de l’étranger –La vie ailleurs-, la tension entre le bonheur de la terre promise et le mal du pays –Nostalgies...-, etla perception du voyage dans les terres d’origine –Au pays-. La diversité des supports –peinture, sculpture, photographie, installation, multimédia- fait toute la richesse de cette exposition, où se croisent les approches traditionnelles et les démarches résolument contemporaines, une symbolique figurative parfois académique et des évocations souvent plus conceptuelles, le tout se rejoignant dans le fait de raconter la grande histoire à travers le prisme de récits a priori plus modestes et profondément ancrés dans notre humanité.

Les artistes entretenant tous un rapport intime à la diaspora basque, qui marque leur mémoire familiale ou qu’ils l’ont vécu eux-mêmes, nous avons ici pris le parti peut-être audacieux de leur laisser la parole. Leurs réalisations ont ceci de commun de traduire des sentiments très personnels qui n’engagent qu’eux-mêmes. C’est pourquoi, si la première partie du catalogue fait la part belle aux œuvres, la seconde, proposant une lecture interprétative, compile des textes imaginés par les artistes eux-mêmes, qui exposent ainsi leurs démarches créatives et symboliques.

 

Exempts d’ethnocentrisme, ce thème des minorités en exil, loin d’être exclusif au Pays basque, fait de ces œuvres des manifestations personnelles autant qu’universelles. Les expériences de l’ailleurs, la force identitaire, le plaisir du voyage, font appel à des émotions profondes qui permettent à qui veut de s’identifier à ce peuple aux nouvelles racines.

 

Viviane Delpech
Chercheur en histoire de l’art

Université de Pau/Eusko Ikaskuntza

Commissaire de l’exposition 

HARRIZKO ETXEA

LA MAISON DE PIERRE

Ancre 1

Diaspora… Le peuple d'Abraham et de Moïse fuit l'Egypte puis les persécutions pour parcourir le monde et se poser, sans jamais trouver de repos, aux quatre coins de la Terre. Tout au long de l'histoire les douze tribus d'Israël seront chassées, pourchassées et n'en finiront pas de fuir et de se disperser, d'essaimer, pour perdurer, se sauver : VIVRE.

Et si le peuple basque était la treizième tribu ?

 

Le terme de diaspora ne s'applique qu'en partie au peuple basque qui n'a jamais connu de véritables persécutions, au sens le plus terrible du terme, et n'a du s'exiler que pour des raisons économiques et/ou politiques, par vagues successives et principalement de la fin du XIXème siècle jusqu'au milieu du XXème siècle (ou jusqu'à la mort de Franco pour certains).

Les migrations et leurs migrants, l'émigration et leurs émigrés, constituent un thème éminemment d'actualité. Chaque basque a émigré avec sa langue, sa culture, ses traditions, son histoire et la même soif de réussir, de travailler le plus dur possible pour revenir riche au pays. Chaque basque a migré avec le même déchirement, le même déracinement, les mêmes peurs, la même nostalgie… mais la même envie de revenir toujours.

 

Au Pays Basque la maison, "etxe" est un lieu privilégié, emblématique et vital. C'est le lieu de vie et le lieu de la famille par excellence, qui est à l'origine d'un droit coutumier spécifique à ce territoire puisque "le pouvoir appartenait aux maisons" (cf. Maité Lafourcade, professeur de droit à l'UPPA, spécialiste du droit basque) et c'est "le respect de la maison ancestrale qui explique pourquoi le Pays Basque est demeuré lui-même pendant des siècles, qu'il a survécu".

A l'exception du Pays Basque Sud où il s'applique encore et de quelques endroits dans l'intérieur du Pays Basque Nord, ce droit coutumier basque semble bien désuet aujourd'hui : les prix du foncier ont fait tourner la tête des propriétaires qui vendent désormais leurs fermes par morceaux pour en faire des appartements. "Le Pays Basque n'est pas à vendre" pouvait-on voir bombé sur les murs après que des agences immobilières aient sautées. Qu'en est-il aujourd'hui…?

La tradition et le droit voulaient donc que l'héritier ne pût pas vendre la maison, sauf en cas d'extrême pauvreté. Il en était le gestionnaire et le garant de la famille, "etxerakoa" ("celui qui est pour la maison"), la propriété en elle-même étant collective, familiale. Dans le seul cas de la vente par nécessité (extrême pauvreté), la maison pouvait tout de même être rachetée par des héritiers même plusieurs générations plus tard. D'où les demeures qui ont été rachetées par les basques de la diaspora, revenus avec suffisamment d'argent pour récupérer le bien familial, respectant ainsi la tradition et contribuant au maintien de l'ethnie comme de la langue basque.

 

Une partie de l'origine de la diaspora est ainsi intimement liée à la maison puisque l'exploitation de la propriété ne suffisait pas à nourrir tous les membres de la famille qui devaient donc s'expatrier pour subvenir à leurs besoins et se créer une "fortune" pour revenir soit dans la maison familiale, soit dans leur propre maison qu'ils feront construire, créant ainsi une nouvelle lignée.

 

La diaspora a donc eu une double contribution :

- ralentir le processus inexorable de morcellement des propriétés,

- perpétuer l'ethnie par la création de nouvelles familles, essaimant à travers le monde comme en Euskal Herri.

 

La maison constitue l'élément central qui abrite la tribu : le cœur, l'âme et le ventre, les vivants et les esprits. La famille y vit, y célèbre les naissances et les deuils, les joies et les peines, espace sacré au sein duquel se mêle toutes les générations.

Si au début de notre ère les maisons basques étaient en bois, elles sont toutes aujourd'hui de pierre, symbole de la durée, de l'indestructible, de la force et de la nature par excellence. Les basques partis vers les Amériques ont quitté la pierre des Pyrénées tantôt mauve, tantôt grise, parfois verte, pour la déclinaison chaude de celle des Rocheuses : ocre, brune ou rouge.

 

L'oeuvre s'articule donc autour de 3 axes afin de mettre en valeur quelques uns des symboles de la diaspora basque :

 

La pierre : un toit à 2 pans distincts représentant la toiture typique de l'"etxe" mais également la forme des ponts que l'on trouve dans le Pays Basque, et qui serait aussi un pont par-dessus l'Atlantique, reliant l'ancien et le nouveau continent, ceux qui sont partis et ceux qui sont restés, le pont qui permettra de revenir au pays ou bien de rester connectés avec la famille, pour ceux qui resteront. La pierre c'est la terre nourricière, mais c'est aussi celle qui permet de bâtir la maison, ou celle sur laquelle on monte ou s'assoit pour surveiller les troupeaux, etc.

Ce toit est un patchwork polychrome de différentes roches : pierre de la Rhune, pierre de Bidache, pierres des Rocheuses, d'Arizona, du Nevada, du Colorado et des Andes. Il repose sur une charpente de 8 lambourdes, reprenant les 7 provinces basques, la 8ème représentant la diaspora.

 

Le fer : minéral par excellence, extrait de la terre, il sert de support à la structure et prend la forme d'une vague, symbole de l'océan qui borde le Pays Basque et vit naviguer migrants, chasseurs de baleine, pêcheurs de thon, d'anchois… La crête de la vague représente également les voûtes typiques des entrées des maisons. Cette forme ouverte symbolise également l'infini, les cycles de départs, car la diaspora basque est loin d'être terminée, la crise économique pousse encore les jeunes à partir vers les terres rejoindre des oncles, des cousins d'Amérique… Le basque aura toujours le goût du voyage et de l'aventure et de la navigation.

 

Le bois : même caché sous forme de lambourdes sous la toiture, donne surtout vie à l'œuvre : les sculptures sont trop statiques et froides, or le peuple basque est toujours en mouvement, qu'il danse ou qu'il émigre. Le bois est l'ancêtre de la pierre dans la construction de la maison. Il est également celui des navires de pêche et des embarcations qui convoyèrent les migrants à l'autre bout du monde. Le bois qui réchauffe aussi, qui alimente le feu dans la cheminée. Le bois du makila, celui des palas, des meubles, des forêts aux mille légendes… Chaque lambourde porte le nom d'une province, à l'exception du rondin central qui représente la diaspora : Zuberoa, Lapurdi, Baxe-Nafarroa, Goi-Nafarroa, Bizkaia, Araba et Gipuzkoa.

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